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Témoignage. Poussine était une chatte d’exception.

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Poussine était une chatte extraordinaire. Elle nous aimait et nous le faisait savoir tous les jours. Nous l’appelions affectueusement notre dépendante affective. Quand elle ne recevait pas de câlins, elle allait voir mon grand-père en miaulant pour lui montrer son mécontentement et le guidait vers le divan. C’était leur rituel quotidien.

Mais si elle était très sociable avec nous, les inconnus lui faisaient peur. Elle se cachait dès que l’un d’entre eux passait le pas de notre porte. La nouveauté, les bruits et les mouvements brusques la rendaient anxieuse. Je craignais souvent qu’elle en tombe malade, étant donné les conséquences que le stress peut avoir sur le corps. Je m’efforçais donc de l’apaiser pour qu’elle vive le plus sereinement possible. Et c’était le cas, elle était heureuse. 

Mais un jour, en lui caressant le ventre, j’ai senti de petites boules inquiétantes aux mamelons. Le vétérinaire a vite confirmé ce que je craignais. Moi qui pensais que mon vieux chat Tommy, atteint de diabète, allait nous quitter avant Poussine, je venais de comprendre qu’une maladie grave peut surgir n’importe quand et s’installer dans un corps apparemment sain. Comme les masses mammaires peuvent métastaser rapidement, nous devions prendre une décision le plus tôt possible.

Plusieurs options s’offraient à nous. Nous avons choisi de faire opérer Poussine afin qu’on lui retire les masses. On peut dire que c’était une bonne décision, car nous avons ainsi pu lui prolonger la vie de presque un an. Les derniers mois, nous avons tout fait pour lui rendre la vie plus agréable. Nous savions que les traitements n’allaient pas nous la ramener et qu’ils rentraient dans la catégorie des soins palliatifs. Les masses malignes s’étaient développées jusque dans les poumons. Poussine n’arrivait plus à manger, elle était devenue léthargique et respirait mal. Nous devions la gaver et lui donner des médicaments pour diminuer l’eau dans ses poumons. 

À quel moment devions-nous prendre la décision d’arrêter tout cela ? Quand est-ce que cela deviendrait de l’acharnement ? Étions-nous égoïstes de prolonger sa vie avec les traitements et le gavage ? Toutes ces questions prenaient de plus en plus de place dans nos discussions quotidiennes. Aucun des membres de ma famille ne se sentait prêt à la laisser partir, et nous savions que nos actions nous aidaient surtout à accepter l’idée de la perdre. Au bout de trois semaines de traitements, je me suis mis en quête d’un vétérinaire qui effectuerait l’euthanasie à la maison. Je voulais que Poussine parte dans un environnement où elle se sentirait bien, soit sur son divan préféré. 

Le matin où nous avons compris qu’il était temps de la laisser partir, le vétérinaire était heureusement disponible la journée même. Mon grand-père adorait cette chatte. Il ne se sentait pas capable d’assister à son euthanasie. Ma grand-mère non plus. Alors j’ai pris Poussine dans mes bras et je me suis assise sur le divan. Je lui ai parlé durant tout le processus, même si, avec la sédation, elle ne pouvait plus se rendre compte de grand-chose. Elle est partie paisiblement. 

Cela fait maintenant quatre ans. Quasiment jour pour jour au moment où j’écris cet article. J’ai repensé à elle en lisant récemment un article scientifique sur les masses mammaires chez les chats. Mon vieux Tommy l’a rejoint depuis. Il m’arrive de les imaginer collés l’un sur l’autre, Poussine lavant les oreilles de Tommy. Et les larmes me montent aux yeux.

Elle signe ce texte

Valérie Prince est technicienne en santé animale à l’Hôpital vétérinaire de Montréal.