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« J’ai vendu ma clinique à un groupe de vétérinaires-entrepreneures. J’ai fait le bon choix! » – Dre Fournier

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Dre Thérèse Fournier

Dre Thérèse Fournier a récemment vendu sa clinique vétérinaire au groupe d’associées formé des vétérinaires Dre Lucie Hénault, Dre Evelyne Joubert, Dre Stéphanie Surveyer, Dre Stéphanie Nadeau, Dre Isabelle Demontigny-Bédard et d’Isabelle Asselin, TSA. Une décision longuement mûrie. Elle a accepté de nous raconter son expérience, teintée d’émotions, qui s’est avérée très positive pour elle et pour son équipe. 

Dre Fournier, vous avez fondé la Clinique vétérinaire Dollard en 1989. Qu’est-ce qui vous a attiré vers l’entrepreneuriat à cette époque ?

Lorsque j’étais finissante à la FMV de St-Hyacinthe (en 1983-1984), j’habitais avec une étudiante de 2e année de médecine vétérinaire, Anne Benoit. On se disait un peu à la blague qu’un jour, on ouvrirait notre clinique ensemble. C’est en 1989 que notre projet est devenu réalité. Nous avons ouvert notre clinique fin octobre 1989. On partait de rien, ou à peu près de rien ! Nombre de clients : zéro !!! Nombre d’employées : zéro ! Dre Anne Benoit (FMV 1986) et moi, on alternait : une journée j’étais la vétérinaire et Anne, l’assistante (réceptionniste, aide-tech, tech, etc.). Le lendemain, c’était l’inverse ! Les premières semaines, on avait le temps de jouer aux cartes ! Environ 2 mois plus tard, Susan, la sœur de Dre Benoit, a accepté de venir nous donner un coup de main « pour nous dépanner».  Elle y est toujours, elle travaille à la clinique depuis janvier 1990.

Vingt-trois ans plus tard, i.e. en décembre 2012, Dre Benoit a cessé de travailler pour des raisons médicales et en mars 2014, je suis devenue l’unique propriétaire de la clinique.

Pourquoi ai-je ouvert ma clinique ? Je ne sais pas trop… Je fonçais tout simplement dans la vie. J’aime les défis. Quand on est jeune, on est un peu naïf aussi. Par contre, ce que je sais a posteriori, c’est que c’est l’une des plus belles expériences de ma vie. La meilleure décision prise. Je dis souvent à la blague que j’ai eu 2 bébés : la clinique, en 1989 et ma fille, en 1996 !

Faire des projets, améliorer les soins vétérinaires, voir au bien-être des animaux, mais aussi des employées (ici le féminin l’emporte sur le masculin!) et des clients. Tout ça, c’est un challenge, mais c’est si valorisant! En plus de 35 ans, la pratique de la médecine vétérinaire a bien changé, on doit s’adapter et s’améliorer, tant comme vétérinaire que comme gestionnaire. J’aime !

Le début de l’année 2021 a été marqué par de grands changements pour vous. Est-ce que ça faisait longtemps que vous songiez à vendre la Clinique vétérinaire Dollard ?

Le départ de Dre Benoit en 2012 a été une difficile épreuve pour moi. Nous avions été associées pendant 23 ans, alors perdre l’un des 2 piliers de la clinique m’a déstabilisée. J’ai dû prendre les bouchées doubles, voire triples. Depuis les quelques dernières années, je me disais qu’il faudrait un jour que je vende… je ne rajeunis pas non plus. J’ai tenté de trouver un(e) vétérinaire intéressé(e) à s’impliquer, j’ai multiplié les efforts pour trouver de la relève, en vain. Autour de moi, quelques ami(e)s vétérinaires ont vendu leur clinique. J’ai recueilli leur feedback. J’avais commencé à m’informer auprès des divers regroupements qui achètent les cliniques. J’ai réfléchi aux options qui s’offraient à moi.

En 2020, plusieurs facteurs ont contribué à accélérer ma décision : la gestion de la pandémie, le manque d’intérêt des jeunes vétérinaires pour une petite clinique comme la mienne, l’âge à laquelle je suis rendue et la fatigue mentale. Mais, le facteur le plus important a été le projet proposé par Dre Lucie Hénault et ses associées fin 2020. Les astres étaient alignés! J’étais prête à vendre et le groupe d’associées de Dre Hénault cherchait une clinique à acheter.

J’avais le désir de confier mon équipe que j’aime aux mains de gens qui partageaient mes valeurs. Que la vente ne soit pas la fin d’une belle histoire ! Bien au contraire, je voulais (et je veux encore) que la clinique puisse continuer d’évoluer, de prendre sa place, comme elle l’a fait depuis plus de 31 ans. C’est grâce à mon équipe que je suis ce que je suis devenue, cette équipe dévouée qui m’a toujours soutenue, malgré les hauts et les bas rencontrés au fil des années. J’avais aussi le désir que la transition, tant pour l’équipe que pour la clientèle, soit simple et douce.

Parlant de valeurs, est-ce que c’était important pour vous aussi, de confier votre équipe, vos clients et vos patients, à un groupe détenu par des intérêts québécois ?

L’importance que la médecine vétérinaire reste aux mains des vétérinaires d’ici a pesé dans la balance. Acheter québécois, c’est aussi une bonne affaire pour tous les Québécois ! L’argent reste ici, est redistribué ici.

J’ai aussi penché vers ce groupe dynamique composé de femmes. Leurs valeurs s’arriment aux miennes : elles ont à cœur la médecine vétérinaire et le bien-être des animaux, bien sûr, mais aussi celui des équipes déjà en place et de la clientèle. La vente est encore toute récente. On verra ce que l’avenir nous réserve, mais avec déjà 6 cliniques à leur actif, une équipe expérimentée et surtout, du respect et de l’écoute envers autrui, je suis confiante. J’ai confiance en Dre Demontigny-Bédard, la nouvelle gestionnaire de la clinique.

Et puis au final, vous restez au sein de l’équipe ?

Oui. Je reste au sein de l’équipe comme vétérinaire. Je ne cache pas que je suis un peu déstabilisée par mon nouveau statut d’employé ! Être son propre « boss » pendant de nombreuses années, et soudainement, ce n’est plus moi qui décide, ça demande beaucoup d’humilité. Par contre, ça permet une transition plus facile pour tout le monde. Je ne vous cacherai pas non plus qu’après presque 37 ans de pratique, je songe à ma retraite. J’ai adoré ma profession (débutée à l’âge de 22 ans). À l’aube de mes 60 ans, il est venu le temps de penser un peu plus à moi, et peut-être un peu moins aux autres!

Que retenez-vous de cette expérience de la vente de votre pratique ?

Tel que mentionné précédemment, le groupe d’associées à qui j’ai vendu en est à leur 6e acquisition. Je crois que ceci a facilité la transaction : plusieurs détails ont déjà été pensés. Ils ont en place une équipe de professionnels, avocats, notaires, comptables, etc. Évidemment, il est normal de rencontrer des problèmes/différends/angoisses en cours de processus de négociation/vente/achat. C’est quand même émouvant de laisser partir son « premier bébé » dans les bras d’une autre… Et puis j’ai senti qu’on travaillait en équipe pour que la transaction fonctionne, que tout le monde soit gagnant et heureux. Je me suis sentie écoutée et respectée. On ne négociait pas une « entreprise quelconque », on discutait ensemble de “ma” clinique vétérinaire et de “mon” équipe. C’est peut-être là toute la différence entre des gens qui font des affaires et des vétérinaires qui font des affaires!

Au final, je suis très heureuse de mon choix et je suis enthousiaste pour la clinique. Ça apporte une énergie nouvelle aux projets de la clinique, c’est motivant ! C’est comme donner un nouveau souffle au projet qu’on bâtit depuis des années, voire le projet d’une vie.

En terminant, vous auriez un mot à dire aux vétérinaires propriétaires qui ont l’idée de vendre en ce moment ?

Je comprends que pour plusieurs propriétaires le prix d’achat/vente représente le point le plus important de la transaction. C’est principalement notre fond de retraite ! Il y a une surenchère du prix des cliniques, comme des maisons, des terres agricoles, etc. La médecine vétérinaire semble être un excellent investissement. Il est judicieux de s’informer auprès des vétérinaires qui ont vendu leur clinique afin de recueillir le feedback de leur expérience ainsi que celui de l’équipe, si possible. Je crois que lorsqu’on vend notre clinique, il faut tenir compte de nos besoins et aussi des besoins des personnes impliquées: i.e. notre équipe ! Ces gens font partie de notre famille, il ne faut pas les laisser tomber, ils méritent d’être écoutés et respectés. C’est ce que j’ai aimé du groupe d’associées de Dre Hénault. Les employées gardent les mêmes avantages, le même poste, le même salaire, etc. Le nouveau gestionnaire doit s’adapter avec doigté à l’équipe, respecter ce qui est en place, croire au potentiel de chacun et surtout, aimer profondément la profession vétérinaire, les humains et les animaux!

À la clinique, on est présentement en pleine transition, ce n’est pas toujours facile, surtout en cette période occupée. On travaille tous fort, et des ajustements (ajout d’employés, rénovations, etc.) s’imposent. Grâce aux réunions d’équipe, aux rencontres avec les employées, Dre Demontigny-Bédard met en place une structure adaptée aux nouveaux besoins. Il faut être patient. « Rome ne s’est pas faite en un jour! »