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La gestion de conflits


Savez-vous que près de 80 % du temps d’un gestionnaire est consacré à régler des conflits? Et, savez-vous que la majorité des dirigeants ne sont pas à l’aise devant cette tâche et vont ainsi tenter d’étouffer les conflits ou les ignorer? Dans le même ordre d’idées, il est connu que nous, les Québécois, sommes culturellement inconfortables en regard des chicanes. Pourtant, toute personne ayant des obligations en matière de ressources humaines devrait développer ses habiletés à dénouer les différends et voir cette partie de son travail comme étant inhérente à son poste.

Les conflits peuvent être bénéfiques

Ils permettent souvent de trouver des failles dans des procédures, d’éclaircir les rôles et responsabilités de chacun et en fin de compte, rendre les processus plus efficaces. Cependant, il faut y porter attention dès les premières phases : donc, être vigilant aux signaux, faibles précurseurs des conflits. Une analogie facile à retenir est celle du volcan. La couche terrestre représente le contexte fertile au conflit; par exemple, une situation à risque pourrait être celle de la période d’évaluation annuelle, un changement de logiciel vétérinaire, un retrait préventif nécessitant la distribution des tâches de la future maman, etc. 

En premier, il y a l’amorce de la discorde. On y sera attentif en constatant qu’une personne est plus souvent laissée seule pour dîner, que les membres de l’équipe sont plus diligents à vous faire part de ses erreurs et de ses petits retards. Que si vous demandez où elle est, on vous répond quelque chose comme : « On ne sait jamais où elle est et ce qu’elle fait… » C’est à ce stade qu’il est le plus facile d’intervenir. Contrairement à ce que suggéraient certaines anciennes méthodes, il ne sert à rien de remonter à la source du conflit. II vaut mieux écouter les deux parties, comprendre ce qui dérange vraiment (par exemple, un sentiment d’injustice, un partage inéquitable des tâches, etc.) et trancher sans blâmer personne. Notre décision doit être juste, centrée sur les valeurs et la vision de l’entreprise et l’on doit être capable de l’expliquer à tous, en pointant bien que cet ajustement défend le mieux les intérêts de l ‘établissement vétérinaire.

Ensuite, avec l’amorce viennent les frictions. Généralement, c’est là que les employés vous font une demande d’aide. Josée, par exemple, pourrait vous dire: « Je ne sais plus quoi faire avec Sabrina qui est toujours bête avec moi. » Il est fréquent pour les gestionnaires de croire alors qu’ils dirigent une maternelle. Et malhabiles devant le conflit, ils diront aux deux protagonistes : « Vous êtes toutes les deux importantes pour l’entreprise, parlez-vous donc et réglez cela entre vous. » Malheureusement, il s’agit là d’une réponse inefficace… Si les deux employées avaient été capables de se parler, il n’y aurait pas eu de friction.

Vous devez prendre le temps d’écouter le problème en faisant comprendre à chacune que sa perception sera entendue.

Vous devez prévoir des rencontres (en général, au moins trois pour corriger un conflit et retenez que les entretiens devraient être de 20 à 45 minutes) et fixer des petits points à améliorer plutôt que de penser que les employées en friction deviendront bonnes amies. Plus le point à améliorer est concret et facile, meilleures sont les chances de succès. II ne faut pas non plus négliger les suivis et encourager les efforts. Si vous espérez régler un conflit en une seule rencontre, sans faire de contrôle, vous pouvez être certain que quelques semaines plus tard, la situation sera au moins revenue à son point de départ. Au pire, elle aura encore dégénéré et sera alors en étape d’ébullition.

En effet, si le conflit n’est pas réglé, après les frictions, vient l’ébullition. C’est durant cette phase qu’on voit apparaître les clans : d’une part, il y a ceux qui prennent pour Sabrina et d’autre part, ceux qui défendent Josée. Les employés se confortent dans leurs idées des fautes que commet l’adversaire en racontant leur point de vue aux autres membres de l’équipe qui sont alors forcés de prendre parti pour ne pas être exclus. Tous les gestes de l’autre sont à ce moment-là interprétés avec la perception qu’elle est bête… 

Puis, cette phase est suivie de l’éruption : un éclatement qu’on verra par la demande de congé de maladie de Josée touchée par un épuisement professionnel ou par la démission d’une tierce personne beaucoup plus discrète qui n’en pouvait plus d’entendre le «chialage » constant… Surviendront alors des coûts définitifs pour l’entreprise, ne serait-ce qu’avec la diminution de motivation de l’équipe en général, ce qui aurait pu être évité par des procédures clarifiées et une attention continuelle des signaux de l’équipe.

II se peut aussi que vous soyez impliqué dans le conflit. Malgré nous, en tant que gestionnaire, nous le sommes souvent puisque plusieurs décisions, pas toujours faciles, nous sont imputables. Je suis certaine que vous pensez que vous adoptez un mode coopératif dans la gestion du conflit et que vous acceptez de vous remettre en cause. Cependant, je vous invite à vous poser une seule question la prochaine fois qu’un employé s’opposera à vous :

« Que voulez-vous obtenir lorsque vous discutez avec lui de la situation conflictuelle? »

Si votre réponse ressemble un tant soit peu à « J’aimerais qu’il comprenne que j’ai raison », alors, vous êtes en mode compétitif et vous n’êtes pas prêt à entendre le point de vue de l’autre. II se peut que vous ayez réellement raison; pour bien gérer une entreprise, il faut faire montre d’une grande confiance. Il se peut aussi que vous vous priviez ainsi d’une occasion de vous améliorer…

En terminant, meilleure sera la communication dans votre équipe, moins il y aura de conflits. Les employés ont besoin de savoir où s’en va l’entreprise, quelles sont ses valeurs, sa philosophie; tout cela est source de motivation. Ils ont besoin de réunions d’information.

Mais attention. Plusieurs administrateurs passent de longues heures à discuter avec quelques personnes sous prétexte qu’ils prennent ainsi le pouls de leurs équipes, mais de cette façon, ils ignorent l’absence d’une grande partie de leur personnel qui n’aura pas accès, ou seulement en partie, des messages qui auront été livrés. Les manuels de l’employé, les échelles salariales, les budgets alloués en formation continue sont autant de balises claires qui diminuent le stress et font un contexte plus favorable à l’amélioration permanente.

Gestionnaire, il est de votre responsabilité de prendre soin de votre équipe et la gestion des conflits est une habileté à développer tout comme le reste des autres tâches.

Retenez que plus vous êtes attentif aux petits détails, à l’amorce des divergences, plus vous répondrez promptement aux demandes d’aide, moins vous passerez de temps à investir sur la gestion des conflits et moins vous risquez de pertes associées à l’ébullition.

Plus vos valeurs et votre philosophie seront partagées, mieux vous pourrez miser sur les personnes qui s’y associent. Bien gérer, c’est d’abord bien communiquer!

Paru dans Le Rapporteur décembre 2015/janvier 2016 de l’Association des médecins vétérinaires du Québec